Kèp, station balnéaire [ Cambodge ]

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Située sur la côte sud du Cambodge, la ville de Kèp sur Mer était une station balnéaire très prisée par les colons français et la haute société cambodgienne jusque dans les années 60. Lieu de villégiature préféré du Roi Sihanouk, Kèp bénéficie de l’impulsion du programme d’urbanisme et de tourisme lancé par le parti au moment de l’indépendance en 1953 : le Sangkum Reastr Niyum. Depuis cet âge d’or du Cambodge, un demi-siècle de troubles politiques ont complètement bouleversé le pays et sa population.

 

En 1975, Phnom Penh tombe aux mains des Khmers rouges de Pol Pot. Soutenus par la Chine, ces rebelles communistes d’inspiration maoïste installent l’Angkar, un régime autoritaire radical visant notamment à purifier le pays de la civilisation urbaine. En une nuit, la capitale est totalement vidée de ses habitants. La plupart sont envoyés en rééducation dans les campagnes ; la traque systématique des anciennes élites, ajoutée aux mines placées par les deux camps, à la malnutrition et aux maladies aboutit à des massacres de masse. Cette autodestruction khmère – le terme de « génocide » étant juridiquement inappliquable - se chiffre à environ 1,7 million de victimes.

 

Plus au sud, Kèp subit le même sort que la capitale : les activités balnéaires des colons étrangers et de l’aristocratie cambodgienne viennent en contradiction totale avec l’idéologie prônée par l’Angkar. La cité touristique se transforme en véritable ville fantôme, et les dizaines de riches villas bâties sur le modèle colonial français sont rapidement envahies par la végétation. La période trouble et la famine intense qui succèdent aux années Pol Pot favorisent largement le pillage : tout ce qui faisait la richesse des villas, des carreaux de faïence jusqu’au dernier filament de cuivre, se négocie à un prix dérisoire auprès des libérateurs et envahisseurs voisins : les Viêtnamiens. Quant aux meubles de valeur et aux huisseries, ils avaient déjà disparu depuis longtemps pour servir de bois de chauffage.

 

Après le départ des forces du Viêtnam en 1989 et l'envoi de forces de l'ONU au début des années 1990, le Cambodge retrouve peu à peu un semblant d'autonomie et devient à nouveau fréquentable : le tourisme peut commencer à redynamiser la région ; une poignée de ces anciennes villas coloniales sont ainsi restaurées et transformées en complexes hôteliers luxueux. Mais sur les parcelles voisines, les familles pauvres de la région habitent aujourd’hui des ruines, dont ils ne possèdent souvent aucun titre de propriété. Avec la corruption, la question de la terre et du cadastre est un problème majeur hérité du désastre Khmer rouge : la violence de la spéculation immobilière succède ainsi à celle des combats et des pillages..

 

Photographies & textes : Pierre-Yves BRUNAUD / Picturetank
[ sauf pour les images d'archives, extraites de l'album « Photo Souvenirs » réalisé par le Prince Norodom Sihanouk pour le Royaume du Cambodge, entre 1955 et 1972 ]